GAELLE ROFFLER - MODÈLE GRAND CONCERT « DIVERGENTE » - Tout en délicatesse

Musicienne accomplie (guitare classique, jazz, écriture et composition) puis musicothérapeute, Gaëlle Roffler décide de changer de cap, pour la lutherie, à l'âge de 27 ans. Elle se forme pendant cinq années auprès du Maître luthier Christophe Schuetz et rencontre de nombreux collègues dont Antoine Pappalardo qu'elle désigne elle-même comme le "Mentor de [ses] créations ". Elle emprunte désormais des voies personnelles et aime à percevoir certaines directions des capacités musicales que l'instrument pourrait avoir et, pour y répondre, mettre en application certains principes physiques, mathématiques ou tout autre concept pouvant apporter/a solution". Tout un poème! Installée dans le Vaucluse (à Le Pontet, près d'Avignon) depuis onze ans, Gaëlle Roffler s'est spécialisée dans la fabrication de guitares classiques et flamenca, autour d'une gamme étendue de modèles, de la guitare d'étude à la guitare Grand Concert "Divergente" que nous présentons ce mois-ci.

Un concept innovant

D'un style raffiné et épuré, cette guitare classique Grand Concert affiche un véritable engagement esthétique et renferme des procédés techniques novateurs nés de réflexions questionnant les fondamentaux de la facture traditionnelle. La table d'harmonie, double mais particulièrement fine, est constituée à l'extérieur (partie visible) d'une table en épicéa et à l'intérieur, d'une table en cèdre ; l'idée étant de cumuler les capacités vibro-acoustiques de ces diverses essences dont les propriétés sont sensiblement différentes en terme de réponses dynamiques et fréquentielles. De plus, leur assemblage est croisé en "angle de divergence", ce qui permet de coordonner autrement les qualités de raideur et de souplesse de ces deux types d'essences. Le barrage, fortement asymétrique, est lui aussi propre à Gaëlle Roffler (bien que l'usage de l'asymétrie soit un principe commun à de nombreux instruments tels que le luth ou le violon par exemple). Le choix de barres hautes et étroites permet de concilier souplesse, résistance et légèreté. Les appuis du chevalet, sa masse et l'angle des cordes sur les sillets ont été réétudiés pour assurer un couplage acoustique fort avec la table compte tenu de ses spécificité. Le sillet habituel est remplacé par trois sillets en os supportant chacun une paire de cordes afin de trouver un compromis entre précision des attaques, réponse dynamique et justesse de l'intonation.

Un confort indéniable

Cette guitare est légère, d'une position stable et bien équilibrée. Le manche, plutôt fin, se laisse jouer avec une étonnante facilité. Il est constitué d'une pièce d'acajou, scindée en deux parties recollées en sens inverse. La jonction du manche à la caisse est en queue d'aronde avec un assemblage de l'instrument "à la française". Le palissandre des éclisses et du fond de la caisse est superbe. L'épicéa est très lumineux d'autant plus que les deux portions qui constituent la table réfléchissent la lumière différemment à cause de l'orientation des fibres ; et ceci produit un magnifique effet d'optique qui dépend de l'inclinaison de l'instrument. Gaëlle Roffler choisit personnellement ses bois dont elle évalue la texture (couleur, veinure, flexibilité) et les qualités de résonance afin de pouvoir anticiper l'usage qui pourrait en être fait. Ses bois sèchent ensuite naturellement pendant au moins huit ans dans son atelier. La finition de la guitare est bonne avec de beaux filets multiplis en palissandre et érable. Le dessin de la rosace est minimaliste mais en phase avec le design global de l'instrument. La découpe de l'extrémité de la touche est inhabituelle car d'un arrondi en décalage avec le contour de la rosace. La personnalisation de la tête s'avère remarquable. L'asymétrie de son dessin, la liberté de trait et la conception classique du chevillier traduisent l'état d'esprit du modèle. Le vernis polyuréthane a été choisi car il n'est pas fragile, d'un entretien facile pour le guitariste et qu'il réserve moins de mauvaises surprises en vieillissant (en comparaison de la laque nitro-cellulosique).

D'une clarté exceptionnelle

La table d'harmonie est d'une étonnante réactivité. Les basses sont d'une précision redoutable, bien ancrées dans leur registre et parfaitement contrôlables. De plus, les harmonies sonnent avec une clarté et une fusion des timbres qui contribuent pleinement au charme de cette guitare. Les aigus peuvent rayonner avec de belles couleurs contrastantes et sans aucune plasticité dans le son. Ce dernier aspect est remarquable puisque le jeu a semblé respirer avec ampleur et finesse en toutes circonstances. En complément, vraiment peu d'efforts ont été nécessaires pour s'adapter à l'instrument. Le rendu sonore semble particulièrement cohérent avec le ressenti vibratoire et l'ergonomie de la lutherie. La netteté des phrasés et les possibilités d'articulation contribuent grandement à l'impression de projection du son. Le jeu peut se faire intimiste et puissant, avec une sensation de rayonnement confortable pour le musicien et une écoute de l'instrument relativement enveloppante. Cette guitare Grand Concert "Divergente" s'illustre par son élégance qui se constate aussi bien dans la conception, le confort de jeu que son potentiel musical. Elle amène de réelle possibilités de travail sonore avec un degré de fine se rare. Enfin, elle allie avec réussite expressivité et projection sonore ans mettre de côté une sensibilité musicale que des instruments trop puissants empêchent parfois d'exprimer.

Par Benoît Navarret - Guitare Classique n°74 - nov. 2016

Guitare Classique n°74 - nov. 2016
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