Gaëlle Roffler s'est déjà faite remarquer très positivement dans nos bancs d'essais pour sa guitare Grand Concert. Nous disions alors qu'elle faisait une entrée brillante et très prometteuse dans le monde de la lutherie d'art. Voici maintenant son modèle Concert. Nous avions aimé son travail et ses recherches tant sonores qu'esthétiques, c'est pourquoi nous vous présentons aujourd'hui ce bien joli modèle baptisé Concert, qui constitue le milieu de sa gamme. Au premier coup d'œil, celle-ci ne passe pas inaperçue. La conception des éclisses en deux bois qui saute aux yeux, même du plus total ignorant en lutherie. Ce système des bandes alternées de bois clairs et sombres rappelle immanquablement les guitares baroques qui étaient très souvent ainsi faites.
Noble
C'est donc un curieux sentiment de nouveauté et de nostalgie mêlées qui s'empare de nous lors de la découverte de cette jolie guitare. Mais elle ne se contente pas de cette astuce pour séduire car elle est, par ailleurs, très finement construite et fignolée. Sa table, tout d'abord, en épicéa (massif, cela va sans dire) montre une belle coupe dans le quartier du bois. Celle-ci repose donc sur ces fameuses éclisses à bandes qui sont en palissandre (bandes sombres) et merisier (bandes claires). Le fond est, selon l'option, choisi en merisier ou en palissandre, et les alternances d'éclisses sont inversables selon le modèle choisi. Cette magnifique caisse de résonance est prolongée d'un manche extrêmement bien dessiné et fin . On constate que le talon débute sa courbure tardivement (à la 11e case), gage de facilité de jeu dans l'extrême aigu. Ce talon est habillé d'une petite talonnette de palissandre. La touche en ébène est montée d'un frettage relativement épais mais confortable. La tête, enfin, est remarquable par son dessin aux échancrures sophistiquées. Elle est plaquée de palissandre et équipée de très bonnes mécanique Rubner à boutons de bois d'ébène. Les décorations, assorties au reste, consistent en une sobre rosace à rectangles de palissandre, et des filets noir et blanc en bordure de la table, des éclisses et du fond. L'allure de la guitare se révèle donc fine et élégante, et les courbe semblent adoucies par les bandes d'éclisses ainsi que par le bombé du fond qui donne l'impression que la guitare est plus fine que le standard. Le vernis brillant est fin et très proprement fait. Une belle maîtrise de la lutherie que le reste de l'essai ne dément pas.
Courtoise
La prise en main s'avère d'une évidence déconcertante, tant cette guitare est bien dessinée. On étreint l'instrument avec aisance et l'on trouve très vite ses repères. Les éclisses semblent tout de même plus fines que le standard. Le bombé de la caisse semble retirer un petit centimètre au maximum, mais il fait toute la différence. À ce plaisir de tenir la guitare s'ajoute la facilité et l'impression de souplesse des deux mains. Particulièrement la main gauche et surtout dans le registre aigu, et les démanché extrêmes, rendus aisés par le bon dessin du manche et le talon finement sculpté. Une ergonomie de grande classe.
Bombe dynamique
La sonorité est à la hauteur de la lutherie. Elle sonne avec douceur et montre beaucoup de rondeur. L'épicéa, bois connu pour sa brillance sonore, montre ici une clarté adoucie et non violente. On s'attarde du coup assez volontiers sur les phrasés et les contours des mélodies que l'on habille facilement de legato et de vibrato émouvants. La puissance, correcte, pourrait sembler parfois limitée. Mais sur un épicéa neuf, il est difficile de tirer des conclusions définitives. On est tout de même dans la fourchette de puissance et de projection raisonnable des instruments de concert. Et le plaisir sonore n'étant jamais contrarié par le plaisir tactile, il est possible de craquer très vite pour cette belle. Pour craquer, prenez le TGV et arrêtez vous à Avignon, l'atelier de Vedène n'en est pas très éloigné. Enfin, dernier détail, le prix de cette belle guitare démarre autour de 3100 €, prix public conseillé.
Philippe Spinosi - Guitare Classique n° 48 - mai 2010
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